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Full Text: Anthropos, 61.1966

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Renato Boccassino 
Anthropos 61. 1966 
les caïmans et qui ne leur cèdent en rien en fait de férocité et de cruauté. Je remarque en 
passant que les caïmans sont encore adorés sur plusieurs points de la côté, spécialement à 
Porto-Novo où. ils sont nourris et vénérés. Il est probable que dans cette partie réservée 
de la lagune où ils habitent de préférence, on leur lance quelquefois des victimes, mais si 
on ne le fait pas, ces dieux aux puissantes mâchoires ne manquent pas de s’en procurer 
d’eux-mêmes, quand il plaît à leurs prêtres de leur en envoyer. Voici comment. Il paraît 
que la superstition arrive au point de faire croire à qui veut que de prendre un bain dans les 
eaux consacrées par la présence des caïmans, on peut guérir miraculeusement de plusieurs 
maladies. Quand le cas se présente, les féticheurs conseillent ou ordonnent au malade de lui 
apporter de grandes offrandes de victuailles, puis d’aller se jeter en toute assurance dans 
le petit lac sacré par les caïmans. Mais il arrive de temps à autre que le dieu bienfaisant 
saisit son dévot et en fait sa pâture. Le cas est arrivé pour une malheureuse femme pendant 
mon séjour à Porto-Novo en 1864, elle a été réduite en lambeaux par son dieu le caïman. 
Sacrifices sanglants 
Ils sont très variés. L’horreur qu’inspirent ces sacrifices n’a rien d’égale. Le sarcasme 
le plus amer est uni à ces sacrifices. Jamais la nature humaine n’a été plus outragée. Le 
mode du massacre revient toujours à la tête qui est détachée du tronc à coups de sabre. 
Mais les circonstances qui accompagnent ces opérations sont très variées. Tantôt c’est 
un groupe d’individus qu’on emmène devant le roi pour recevoir les commissions pour 
l’autre monde. Presque toujours ces commissions se rapportent au roi défunt. On donne 
quelquefois à ces victimes un peu de nourriture, des coquillages monnaie pour les frais de 
route, puis avant qu’ils aient eu seulement le temps d’y penser, ou le roi ou d’autres leur 
tranchent la tête. 
Tantôt c’est une expédition en grand qui se fait. Le roi est sur son trône, l’armée 
l’environne, les chefs, les dignitaires, les étrangers de distinction sont sous leurs parasols. 
On danse, on boit, on fume, on chante, puis au milieu de l’espace vide se rendent les bour 
reaux; on emmène les victimes, on leur tranche la tête qu’on élève toute sanglante pour la 
faire voir. On accumule les cadavres ainsi décapités, quelquefois des femmes et des hommes 
pêle-mêle. Tout est arrosé de sang. La foule applaudit à chaque tête levée. On met à part 
les têtes pour les dépouiller des chairs et conserver le crâne qui sert ensuite de trophée. U 
y en a des centaines disposés tout autour, soutenus sur des ferrures, plantés sur le mur 
d’enceinte du palais. Tantôt c’est une expédition de femmes qu’on envoie au roi défunt, 
puis vient l’exposition des têtes tranchées. Elle se tient le plus souvent devant le palais du 
roi. On les dispose toutes sanglantes sur des échafaudages faits exprès. Elles restent sou 
vent exposées des semaines entières. Ailleurs la chose devient plus sacrilège. On dispose des 
potences croisant les chemins, aux lieux par où on doit passer. On coupe les têtes, on l eS 
suspend aux potences et de suite on commence une grande procession qui défile en passant 
sous les potences, afin que le sang des victimes tombe en gouttes sur les passants et qu on 
foule la terre qui en est aspergée. Il y a lieu de placer ici une note qu’il ne faut pas omettre. 
Si en pareilles circonstances il se trouve à la capitale pour ses affaires quelque européen ch 
distinction, il est invité et forcé d’assister à ces sacrifices sanglants, de faire partie de l a 
procession sanguinaire, de passer sous les têtes d’où le sang encore chaud coule, et tout 
cela en tenant à la main le drapeau de sa nation. Les négociants, les ambassadeurs des 
puissances qui se trouvent là, doivent subir cette humiliation dans laquelle le roi entend 
que ces messieurs représentent leur nation et s’associent à ces hécatombes. Le fait étant 
arrivé en 1860 pour les chefs de la maison française de Whydah, l’amiral Mr. Bosse, alors 
commandant de la station navale du Sénégal s’étant rendu sur sa frégate «la Junan» ° n 
rade de Whydah et en connaissance de ces choses, en fit d’amères reproches à Mr. Lartig 116 
comme ayant déshonoré le pavillon français par son assistance à ces sacrifices. Mr. Lm 
tigue dut répondre comme tous avant lui et après lui: «C’est qu’à la capitale du Dahomey 
on est à la merci du roi qui exige cette assistance et qui saurait entraver et interdire to 
commerce à celui qui s’y refuserait. »
	        
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