Anthropos
102.2007: 19-31
L’art de la migration
La diaspora vue par des artistes et des musées
dans l’Afrique contemporaine (Bénin)
Roberta Cafuri
Abstract. - This article studies memories of slavery and
the slave trade, based on research carried out at different
localities in the Republic of Benin. Tracing diverse legacies
°f this problematic past in the society of Ouidah, I explore and
compare the diverging memories of descendants of slaves and
former masters. I then show how official UNESCO celebrations
an d museum exhibits often mask their conflicting recollections.
In the capital city of Porto-Novo, I examine how the different
Memories of Agudas and Afro-Brazilians, i.e., freed slaves
re patriated from the Americas, are represented in a private
Museum. I further analyse the paintings of the contemporary
African artist Romuald Hazoumé that are exhibited in the
Honmè royal palace, the symbol of ancient Porto-Novo as a
slave trading kingdom. [Africa, Benin, Agudas, Afro-Brazilians,
slavery, museum]
Roberta Cafuri, anthropologue culturelle au Département
d Ethnologie, Archéologie, Géographie historique de l’Uni
versité de Turin, Faculté de Langues et Littérature étrangères. -
Terrains de recherche : Afrique-Occidentale (Sénégal et Bénin) ;
Canada (Ontario et Québec) ; Europe Occidentale (Italie ru
rale). - Thématiques de recherche ; anthropologie de l’espace
et du pouvoir ; anthropologie muséale ; recherches sur musées,
sites historiques et traditions orales concernant l’histoire pre-
c °loniale et post-coloniale du Bénin ; mémoire de l’esclavage
au Bénin et au Sénégal ; artistes africains contemporains ;
ec °musées. - Publications : voir références citées.
Aujourd’hui un des phénomènes les plus notables
e n Afrique de l’Ouest sont les voyages qui suivent
Ls itinéraires qui longent les forteresses et les
c hâteaux sur les côtes d’où partaient les premiers
bateaux chargés d’esclaves en direction du vieux
e f du nouveau continent. L’UNESCO encourage
les gens à visiter ces lieux, par des itinéraires
dénommés “La route de l’esclave”. On a lancé
cette initiative en 1993 sur les côtes du Bénin,
nom actuel de l’ancien Dahomey, un des royaumes
africains les plus impliqués dans la traite atlan
tique. Je me suis donc rendue à Ouidah où, en
passant par la représentation de l’esclavage dans
le Musée Historique de Ouidah, j’ai essayé de
percevoir l’effet d’un tel passé sur la mémoire de
la ville, siège d’un des plus anciens et actifs ports
impliqués dans la traite des esclaves.
Un trait qui frappe est la présence de plusieurs
couches sociales parmi lesquelles se déroule le
processus de réelaboration du passé. La mémoire
du phénomène de l’esclavage dans la communauté
de Ouidah se répercute même aujourd’hui sur les
individus et la vie sociale. J’ai essayé donc de
dessiner une carte des tensions sociales actuelles
qu’on dissimule souvent dans les célébrations of
ficielles et les expositions, même au cœur du Fort
portugais aujourd’hui musée, en suivant la mo
dalité dont la mémoire marque certains espaces
de la ville. En me déplacent dans la capitale du
Bénin, Porto-Novo, j’ai pu visiter des expositions
privées et officielles qui parlent de la mémoire
des anciens esclaves rentrées des Amériques, les
Aguda ou Afro-Brésiliens. J’ai vu ainsi à l’œuvre
une autre façon de mise en valeur de la mémoire
des descendants des esclaves yorubas : par la pein
ture des signes fa, l’ancien système de divina
tion de la côte des esclaves, l’artiste plasticien