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°P0S 102.2007
Rezensionen
Adler, Alfred : Roi sorcier, mère sorcière. Parenté,
Politique et sorcellerie en Afrique noire. Structures et
fêlures. Paris : Éditions du Félin, 2006. 248 pp. ISBN
978-2-86645-618-4. Prix : € 18.90
Directeur d’études émérite à l’École Pratique des
fautes Études à Paris (sciences religieuses), spécialiste
des populations du Tchad, connu pour ses travaux
d’anthropologie politique et religieuse (cf. “La mort
es t le masque du roi”. Paris 1982, ou “Le pouvoir
et l’interdit. Royauté et religion en Afrique noir. Es-
sai d’ethnologie comparative. Paris 2000), A. Adler
s ’attaque de front dans le présent ouvrage à un sujet
Plus que tout autre difficile et glissant ; le “système de la
Sorcellerie” en Afrique noire, une réalité omniprésente
a tous les niveaux de l’existence, mais dont, pour de
Multiples raisons, il est convenu de ne parler qu’en
s °urdine. Comme le titre l’indique d’emblée, l’ouvrage
Se répartit en deux parties relativement distinctes : d’une
Purt l’incidence de la sorcellerie sur les relations de
Parenté et d’alliance, d’autre part son implication dans
* e champ proprement politique. En effet, de même que
Ce rtains rapports entre personnes proches peuvent être
ouvertement considérés comme porteurs d’un contenu
s °rcellaire (le cas le plus classique étant celui qui lie
°ncle maternel ou neveu utérin), de même il est des
dations où des porteurs d’autorité, rois ou chefs, sont
to üt aussi ouvertement désignés comme sorciers du fait
^ême de leur statut : soit qu’ils ont été soumis à un
ritü el secret d’initiation accompagnant leur investiture,
s °it qu’ils ont été obligés de devenir sorciers en tant
? üe prétendants s’ils voulaient accéder au pouvoir face
a ^s rivaux usant des mêmes armes. L’ouvrage est
^fièrement consacré à un examen critique et à une
1Sc ussion comparative, minutieuse et subtile, de telles
Quations qui sont d’une extrême diversité, mais dont
v c aractère paradoxal saute aux yeux dans la mesure
^ ü > par exemple, l’on voit s’unir, en une même fonc-
et ° n et un même personnage, pouvoir royal, donc ordre
. légitimité, et pouvoir sorcier, donc désordre, voire
t finalité. “Comment un roi peut-il être en même
m P s un sorcier? ou, si l’on préfère, comment une
Cj eté peut-elle voir dans son roi un sorcier et le
damer sans pour autant le disqualifier, bien au con
tre ?” (20).
17 an s la première partie sont confrontés des systèmes
c taux aussi divers que ceux des Bakongo (Van Wing)
des Nzabi du Congo-Brazzaville, des Mesakin (Na-
del) et des Korongo du Soudan, des Lele (Douglas)
et des Baluba (de Sousberghe) du Congo-Kinshasa,
des Thonga du Mozambique (Junod), des Kuranko de
Sierra-Leone (Jackson), des Dogon du Mali (Griaule)
ou des Ashanti (Rattray) et des Tallensi (Meyer Fortes)
au Ghana. Un chapitre particulièrement intéressant est
consacré à la question du “choix prénatal”, proféré à la
manière d’un programme ou d’un plan de vie quand la
personne à naître est encore auprès de Dieu, et qui va
déterminer son destin une fois sur terre. Aux données
ghanéennes viennent alors s’ajouter celles relatives aux
Samo (Héritier) et aux Gourmantché (Cartry) du Burkina
Faso.
Pour discuter dans la deuxième partie du rapport
entre royauté et sorcellerie, l’auteur convoque des
cultures, dont certaines ont donné lieu à des travaux
très approfondis sur cette question : les Zandé du Sou
dan (Evans-Pritchard), les Wuli (Baeke) et les Beti
(Laburthe-Tolra) du Cameroun, les Kukuya (Bonnafé)
et les Tio (Vansina) du Congo-Brazzaville, les Yoruba
(Apter), les Nupe (Nadel) et les Tiv (Bohannan) du
Nigeria, les Songhay du Niger (Rouch), les Gonja du
Ghana (Goody), les Nyakyusa du Malawi (Wilson) ou
les Mbugwe de Tanzanie (Gray). Cela permet de voir
que le thème de la sorcellerie royale se décline sous
des formes qui peuvent aller en des sens opposés, et la
preuve est faite qu’une approche comparative se révèle
particulièrement apte à en dégager les singularités.
La question de savoir ce que sont les pouvoirs
de sorcellerie en eux-mêmes, dans leurs sources, leurs
mécanismes, leur “essence” (sont-ils innés ou acquis ?
internes ou externes ? conscients ou inconscients ? liés à
des particularités anatomo-physiologiques ou des com
posantes de la personne ? distincts ou non des pouvoirs
de magie, etc.) ne donne lieu qu’à des développements
mineurs ou se trouve évacuée comme relevant d’une
“quête perdue d’avance” (35). Là n’est pas le centre
de gravité de l’ouvrage. L’auteur avance pourtant une
hypothèse : “Je serais tenté de dire que la sorcellerie,
qui ne peut se définir par sa nature antisociale puisque
la société doit s’approprier ses pouvoirs pour la com
battre, est à situer originairement dans une dimension
présociale (et à plus forte raison, prépolitique) et qu’elle
s’attaque, pour ainsi dire, aux briques avec lesquelles
l’édifice de la société est construit ... La menace ne
pèse pas sur un ordre social déterminé mais sur la vie
elle-même” (34). Et souvent sur la vie des plus proches.