Notes sur le Ndeya Kanga, secte syncrétique du Bouiti au Gabon
83
déterminés. Poussés à la fois par l’ambition et par l’orgueil, les Fang ont peu
à peu créé plusieurs lieux de culte bieri en multipliant les reliques de leurs
ancêtres. Non seulement chaque village eut ses bieris, mais aussi, chaque
famille en avait plusieurs, un pour le père, un pour la mère, d’autres pour un
mari, etc. Le Bieri devint de la sorte une cause de division et de désagrégation
de la tribu fang, sans que quelqu’un osât s’opposer à cet effritement. C’est
alors vers 1900, que les «bilopes», les gens de l’intérieur du Gabon que les
Fang ne comprenaient pas, vinrent dans l’Estuaire apportant avec eux un
nouveau culte, le Bouiti.
Parmi les Fang, qui ressentaient péniblement ce déséquilibre social et cette
désagrégation, il y avait des gens sensibles au problème de l’unité. A leurs
yeux, le Bouiti apparaissait comme un moyen actuel, efficace et juste pour
retrouver la cohésion perdue. Ainsi, le Bouiti fut accepté et adapté à la cul
ture, à la tradition et aux besoins actuels des Fang. Ce peuple intelligent,
prévoyant, prudent et fier de sa «race», allait trouver sa régénération dans ce
nouveau culte, apporté de l’intérieur du Gabon par les esclaves et les ouvriers
forestiers.
A la place du Bieri tombé en désuétude naquirent des «centres» boui-
tistes avec leurs guides spirituels, kamho, où tout était mis en œuvre afin que
ce nouveau culte prospère. Plus puissant que le Bieri, il offrait des possibilités
de s’engager dans la vie et de s’exprimer selon les besoins contemporains. Il
faut dire en outre que les Fang ont un caractère spéculatif, une âme inquiète
et portée à philosopher. Ils sont aussi des «théologiens», pour lesquels le destin
de l’homme après la mort ne peut pas rester une énigme.
Le besoin de rencontrer les ancêtres, de connaître l’au-delà et même de
«voir» Dieu a poussé les Fang vers cette «science» spirituelle, comme ils disent,
fiui est aujourd’hui en évolution continuelle et qu’on essaie de doter d’un «sys
tème» théologique et philosophique. Ces tentatives pour aboutir à un système
religieux cohérent s’expliquent d’autant mieux que les guides spirituels des nom
breuses sectes bouitistes se recrutent très souvent parmi les anciens élèves des
missions catholiques qui ont souvent passé plusieurs années comme petits sémi
naristes dans ces établissements. Ce sont eux qui introduisent une nouvelle
liturgie et de nouveaux vêtements de culte, empruntés à l’Eglise catholique.
Mais ils ne contribuent pas à créer l’unité espérée des Fang. Au contraire, ils
divisent ce peuple en créant de nouvelles branches, animées cependant de l’idée
b unité raciale et religieuse, pour s’opposer aux Blancs et à l’Eglise catholique.
2. Du Bouiti à une secte syncrétique
Le nom générique bouiti englobe le culte des ancêtres et les cérémonies
destinées à les vénérer. La fonction secondaire du Bouiti, greffée sur la pre-
mier e qui est d’essence religieuse, est d’ordre didactique, esthétique et social.
Le Bouiti est alors considéré comme une institution éducative, cultuelle et
disciplinaire. p Q ur parler du Bouiti (bwiti), on utilise parfois un autre terme
de la langue mitsogho, dissumba, qui veut dire «le commencement».