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Full Text: Anthropos, 89.1994,1/3

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Wolfgang Zimmer 
Anthropos 89.1994 
trouve également comme citations populaires dans 
des scènes isolées, pour caractériser un personnage 
ou une opinion. 
Voici quelques exemples (sur un total de 24 
proverbes dans cette fonction): Une scène illustrant 
bien le double aspect de cette fonction “tradition 
nelle” de l’utilisation des proverbes, se trouve dans 
“Les malheurs d’un espoir” de Coulibaly Dieudon 
né, œuvre de commande dans le cadre d’un projet 
sur le planning familial, jouée en français et en jula 
en 1991 dans la région de Bobo. Dans la scène, 
les deux femmes d’un mari polygame apprennent 
que leur mari commun, malgré ses promesses, va 
prendre une troisième épouse: “Comme le dit un 
adage: il n’y a jamais deux sans trois” (Coulibaly 
1991: 4; - cf. Rey et Chantreau 1982: 318). Leur 
entretien n’est pour ainsi dire qu’une juxtaposition 
de proverbes et de locutions proverbiales. Il paraît 
à première vue incohérent par l’hétérogénité des 
images employées, mais reflète bien les rôles de 
l’homme et de la femme: “Le dernier mot revient 
toujours à celui qui détient le pouvoir et la soumis 
sion revient aux sans voix” (ibid.), et contient des 
allusions à l’angoisse des deux femmes, au danger 
qui les menace: “Quand une pierre vient du haut, 
chacun protège sa tête” (ibid.). 17 On se cache der 
rière le proverbe, on s’invite à rester modestement 
à sa place: “Que le poisson demeure toujours dans 
l’eau” (Coulibaly 1991: 4). L’activité est réservée 
à l’homme: “Monter et descendre est propre au 
margouillat, mais cela ne concerne pas le mur 
qui reste toujours inamovible” (proverbe en jula; 
ibid.). Des allusions sont faites aux capacités - 
financières et sexuelles - du mari commun, par 
proverbes et images, comme si les deux femmes 
avaient peur d’être entendues parlant ouvertement 
de tabous: “Si tu vois un homme remplir sa bouche 
de farine, c’est qu’il a suffisamment de salive 
pour l’avaler” (ibid.; - cf. Sanon 1978: 64) et, 
avec malice: “Si un obèse se met à soulever une 
patte d’éléphant, un affamé finira bien par rire de 
lui” (ibid.). Ce qui paraissait donc à première vue 
un bégaiement, une sorte d’aphasie de personnes 
incapables de s’exprimer d’une façon personnelle 
et individuelle, s’avère un jeu subtil permettant 
aux deux femmes de parler de tabous sans trop 
s’engager personnellement, et sans courir le risque 
d’être surprises dans le rôle de l’affamée rigolant 
de celui qui fait plus qu’il ne peut. Une fonction 
assez rare se rajoute ici: celle d’un régulateur de 
tensions affectives ou sociales. 
17 Ce proverbe existe en mooré et en jula (cf. Bougma 
1987: 26; Miel s.d.: 18 et 39; Bonnet 1982: 90). 
Le rituel de la demande en mariage est chez 
nos auteurs l’occasion de prédilection d’utiliser 
les proverbes dans cette fonction. Dans Kouyaté 
(s. d.: 3) le vainqueur est celui qui a utilisé le bon 
proverbe pour convaincre son futur beau-père. Il 
dit en “français de Moussa” au futur beau-frère 
qui lui sert d’interprète: “Petit Prosper, dit ta père 
que si porc-pic quitté chez lui pour aller chez autre 
porc-pic, ce qui manqué lui c’est pas manioc”, ce 
qui convainc le beau-père: “ça, c’est parole de vié, 
ton zaffaire il va complètement bien maintenant”. 
Dans une autre pièce, lors du marchandage de 
la dot, le père souligne par un proverbe qu’un 
mariage n’est pas une affaire privée et qu’il faut 
réunir une assemblée: “Si une chose se passe de 
vant quatre, six, huit yeux, demain l’on peut s’en 
sortir. Mais si elle se passe devant deux yeux 
seulement, peut-on s’en sortir?” (Sowié 1983: 46); 
et l’intermédiaire qui parle au nom de la famille du 
fiancé commence le marchandage par un proverbe 
que caractérise le langage indirect des occasions 
importantes: “Vous savez bien que la vieille habi 
tude de la fourmi est de piquer” (Sowié 1983: 47). 
Ailleurs, à une semblable occasion, un inter 
médiaire s’introduit sans préciser la raison de sa 
venue: “Oui, tu sais Kito, un proverbe de chez nous 
dit ‘Celui qui a besoin du vin de palme accroche la 
gourde au palmier’ ” (Thiombiano 1974: 1). Il n’en 
vient à l’objet de la visite que progressivement, 
et quand on lui répond d’une façon voilée: “Oui, 
on n’apprécie la saveur d’un fruit que lorsqu’il 
est mûr” (2), l’intermédiaire comprend qu’il faut 
attendre. Lorsqu’il demande plus tard à connaître 
la réponse, il s’exprime encore de façon indirecte: 
“Evidemment nul n’ignore que quand on sème, 
c’est en vue de récolter” (3), et une fois l’affaire 
close, la fiancée a droit aux conseils imagés sui 
vants: “Un homme et sa femme sont comme le bois 
et l’écorce, comme la langue et les dents. Si Dieu 
a donné le pain à l’un et l’appétit à l’autre, il faut 
que les deux sachent se partager le bonheur” (8). 18 * 
Ailleurs le père resté au village dit à son fils qui 
a fini ses études en France: “Dis-toi toujours que 
rien ne pourrait arriver au petit scorpion tant qu’il 
sera sur le dos de sa mère” (Ouédraogo 1988: 39) 
pour lui expliquer que son succès aux études est 
dû aux sacrifices dans le village. “J’ai fait un choix 
en sage”, dit le père dans une autre pièce à son fils 
qui rentre de France, “Une bonne mère poule ne 
répand jamais du mauvais grain à ses poussins” 
(Siri 1983: 5), et lui annonce qu’il lui a choisi 
18 D’autres exemples à propos du même rituel se trouvent 
dans une des pièces de théâtre-forum de l’Atelier Théâtre 
Burkinabè (1988c: 66 s.).
	        
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