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Full Text: Anthropos, 89.1994,1/3

Les chevaux de la conversation, le miel de la tradition et l’or des paroles 
19 
Anthropos 89.1994 
et doté une fille illettrée dans le village pendant 
son absence. Le proverbe y figure comme code de 
comportement dans le monde villageois. Pour ap 
prendre au maître coranique que sa fille non mariée 
attend un enfant d’un chrétien, avant de lui dire 
quoi que ce soit de précis et de personnel - donc de 
blessant - un El Hadj lui fait part de la désappro 
bation générale par la forme abstraite et distante du 
proverbe: “La senteur finit toujours par se dégager 
d’une pourriture” (Hama 1987a: 15). Pour rappeler 
à l’ordre une fille qui a cru pouvoir faire du ma 
riage une affaire personnelle et qui prétend s’allier 
avec le membre d’une famille ennemie, et lui faire 
comprendre que son comportement a atteint une li 
mite à ne pas dépasser, le conseil familial a recours 
à un proverbe mossi courant: “L’eau qui s’écoule 
jusqu’à la montagne sans la contourner, met fin 
à son chemin”. 19 Et dans un rituel d’épuration, le 
père de la fille-mère fait un sacrifice aux ancêtres 
pour nettoyer la famille de la honte, et prononce 
les paroles traditionnelles: “Mais on dit: le chien 
de chasse attrappe quelquefois autre gibier que ce 
lui recommandé par son maître” (T. P. Sawadogo 
1982: 6), évitant ainsi de nommer sa fille et de la 
blesser par un langage clair et précis. B. Sawado 
go enfin, dans sa pièce “Révolution”, emploie un 
proverbe mossi pour faire comprendre les notions 
d’acculturation et de dépendance: “Alors tu dois 
savoir que l’on est couché à terre quand on est sur 
la natte d’autrui” (1983: 97), c’est-à-dire, comme 
l’expliquent différents recueils (cf. Miel s. d.: 18 
et 38; Bougma 1987: 8) “mieux vaut avoir son 
propre bien que de dépendre des autres”, ou “il 
faut travailler à se suffir soi-même”, ou “sachons 
compter sur nous-mêmes”. 
2. 
Le deuxième groupe fonctionnel qui contient la 
majorité des proverbes utilisés dans notre corpus 
(une cinquantaine d’exemples), peut être caracté 
risé par la fonction consultative. Les proverbes 
sont considérés par les personnages comme somme 
d’expériences et d’observations empiriques sécu 
laires, revues, vérifiées et corrigées par les gé 
nérations précédentes, codifiées sous une forme 
condensée, transmises, conservées par la mémoire 
collective au cours des siècles, et disponibles à 
celui qui connaît et qui sait se servir de ce réservoir 
de philosophie empirique populaire, de sagesse et 
19 Sawadogo 1982: 26; - cf. Miel s. d.: 26; Bougma 1987: 13; 
Bonnet 1982: 88, Bonnet et Ouédraogo 1982: 27: “Si l’eau 
coule et arrive à la montagne, elle arrive à sa limite.” 
de morale qui a fait ses preuves. Ce trésor col 
lectif d’expériences et d’observations codifiées est 
pratiquement incontesté. 20 On y puise volontiers 
conseil en cas de besoin. On peut distinguer de 
multiples sous-fonctions, selon le genre de pro 
blème dont on cherche la solution. Les person 
nages le consultent comme un manuel, un guide, 
en relation avec le passé, le présent et le futur. Ce 
qu’ils y trouvent tient lieu d’expérience person 
nelle et n’est pratiquement jamais mis en question. 
Le seul doute exprimé dans nos exemples apparaît 
dans la scène suivante: une épouse signale à son 
mari qu’une rumeur circule en ville selon laquelle 
il la tromperait: “Tu sais, la rumeur qu’elle soit 
fondée ou pas, a toujours une origine” (Bagbila 
1988: 7). Le mari se défend, bien entendu, il émet 
des doutes, mais il n’ose pas mettre en cause la 
véracité du proverbe, il répond simplement que 
celui-ci ne s’applique pas à son cas. 
Quelques exemples de proverbes utilisés dans 
cette fonction: 
Fonction justificative: “N’épargnez pas un nou- 
risson, car l’orphelin qui grandit dans un champ 
de bataille est plus dangereux qu’un naja” (Bazié 
1988: 26), dit Samori pour justifier l’ordre de tuer 
les enfants lors de la conquête de Noumoundara. 
“Prudence est mère de sûreté”, se défend le général 
qui n’a pas osé tuer le tyran (Palenfo 1970: 7). 21 
Fonction justificative avec deux proverbes, un 
français et un mossi: Au début d’une réunion 
le chef justifie par avance les décisions qu’il va 
prendre d’une façon voilée: “Je vous ai réunis ce 
soir pour quelque chose d’important. On dit que 
prévenir vaut mieux que guérir. On dit aussi que 
bien se cacher d’abord, est la meilleure recette de 
l’invisibilité” (Zongo 1983: 133; - cf. Montrey- 
naud 1980: 69; Bougma 1987: 26: “Reengé ku la 
lilugu”). 
Fonction explicative: “Mais à bon vin, point 
d’enseignes, dit un proverbe de chez nous”, c’est 
ainsi que le peuple de Massili explique sa dis 
crétion traditionnelle (Ouédraogo 1977: 22; - cf. 
Doumon 1986: 343; Loubens 1889: 23). “Une 
biche ne peut être rapide à la course et son fils 
être un lourdaud”, par ce proverbe mossi l’ancien 
combattant explique à sa nièce pourquoi il l’a 
envoyée à l’école des blancs (Amuzu 1975: 3). 22 
20 Cf. également Colin (1965: 105 ss.) et Bon et Colin (1970: 
85), qui arrivent aux mêmes résultats et qui parlent des 
proverbes comme d’une “série de réponses à tout”. 
21 Cf. Doumon 1986: 294; - un autre exemple: Atelier Théâtre 
Burkinabè 1988c: 66. 
22 Cf. ce proverbe mossi in Miel s. d.: 27 et Bougma 1987: 11. 
D’autres exemples de cette fonction se trouvent dans Cou 
libaly 1991: 4 et Dah vers 1982: 14.
	        
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