Anthropos 89.1994
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Hervé Rivière
L’instrument est diversement nommé. Certains
le désignent par le nom de la tortue avec laquelle
il est le plus souvent associé: kuliputpë 10 ou pupu,
selon qu’il s’agit d’une tortue terrestre ou d’une
tortue aquatique. D’autres la nomment ëpu-ëpu, l[
ëlëpu ou ëlëpulëpu, 12 quand elle est jouée en ho
quet. Mais le terme le plus couramment employé
est celui de luweimë (“sorte de flûte”). Sur le Lita-
ni, le répertoire de la flûte de Pan semble tomber
pn désuétude.
1.10 Trompes titilli et pehpeu
Fig. 10
La trompe titilu reprend la facture de la pehpeu,
mais elle est construite avec deux bambous emboî
tés et scellés avec de la résine - le joint médian
étant consolidé à l’aide d’un fil de coton enroulé
sur le tube au diamètre le plus large. Lorsque la
titilu atteint des dimensions importantes, elle reçoit
l’appellation de ihtaino-ewu, c’est-à-dire “instru
ment des félins”, à cause de son timbre caverneux
qui rappelle le feulement du jaguar.
L’instrument se tient à pleines mains, les dif
férents sons étant produits par le jeu combiné du
pouce gauche, qui ouvre ou ferme la tige de plume
axiale, et des index et médium droits qui bouchent
ou débouchent le pavillon.
La trompe se joue habituellement en hétéropho
nie avec la flûte kapau-yetpë; il ne semble pas y
avoir de jeu polyphonique entre petites et grandes
trompes.
Le terme titilu a un sens générique et dénomme les
différents instruments de la famille des trompes
(cf. wayâpi tilutilu, trio titilumân). On distingue
cependant plus finement la titilu proprement dite
(long.: env. 80 cm; 0: env. 3,5 cm) de la peh
peu (ou peupew, De Gœje 1946: 156), plus petite
(long.: env. 60 cm; 0: env. 3 cm).
La petite trompe pehpeu consiste en un tube de
bambou clos à chacune de ses extrémités par un
nœud. A proximité de l’une d’entre elles se situe
une embouchure latérale rectangulaire. A l’autre
extrémité, une ample découpe fait office de pavil
lon. Le nœud proche de l’embouchure est percé
(trou de jeu) et reçoit un court tuyau provenant
d’une plume de hocco (souvent maintenu plus so
lidement dans son orifice par de la résine).
10 On précise kuliputpë-luwen chez les Wayana-Apalai du
Brésil (Schoepf, com. pers.).
11 Certains Wayana voient dans le syntagme ëpu-ëpu une
façon ancienne de réclamer à boire. On peut aussi formu
ler l’hypothèse d’un composé onomatopéique formé de *ë
(coup de glotte) et de pu (insufflation dans un tuyau) (cf.
pu-tikai “souffler”).
12 Ëlëpulëpu est plus spécifiquement usité par les Wayana-
Apalai.
1.11 Clarinettes waitakala
Ces grandes clarinettes cérémonielles (de 50 à
120 cm environ) comportent deux éléments: d’une
part, un tuyau extérieur en bambou luwe ’hle vert 13
sans trou de jeu, et, d’autre part, une anche bat
tante simple idioglotte* taillée dans un court ro
seau luxve-akin (que l’on introduit dans le nœud
supérieur perforé du bambou). 14
A chaque type de danse - tule, tule-koka, tëg-
këlu, waikolo (danse nocturne des jeunes initiés re
venus chez eux), pililiwa, etc. - correspondent des
instruments plus ou moins grands, une formation
orchestrale minimale comprenant de deux à qua
tre clarinettes (quatre si l’on dissocie la clarinette
13 A défaut: en bois-canon kulekle ou en bambou kulumuli.
14 Jean-Pierre Estival (1991: 133 s.) évoque les difficultés de
classification organologique et de détermination des rôles
acoustiques des diverses parties de ce type d’instrument.
Il considère l’anche comme une petite clarinette (cf. aussi
Beaudet 1989: 46). En paraphrasant sa conclusion sur les
tagat tagat arara, nous pourrions dire que les waitakala sont
des “clarinettes idioglottes de facture composite à tuyau
rapporté sans trou de jeu” (Estival 1991: 134).