Les Mossi.
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Les Mossi.
Essai sur les us et coutumes du peuple Mossi au Soudan Occidental.
Par le P. Eugène Mangin, P. B., missionnaire d’Afrique à Koupéla (Mossi).
(Fin.)
Conclusion.
Nous sera-t-il permis, en guise de conclusion, d’essayer d’ébaucher à
grands traits la silhouette morale d’un Mossi, tel que nous le comprenons?
Le Mossi est un mélange de défauts et de qualités. Le Mossi en général,
n’est guère scrupuleux sur le vol et le mensonge, mais ces défauts ne sont
pas tellement invétérés qu’une formation de la conscience plus délicate ne
puisse les corriger. Le Mossi est, voleur parce qu’il trouve souvent l’occasion
de s’approprier le bien d’autrui, surtout les cauris, monnaie d’un maniement
très compliqué. Il est si facile, tandis que l’on compte des cauris, d’en glisser
quelques uns dans sa poche sans que le maître s’en aperçoive! Les voleurs
de grands chemins existent, sont fort redoutés et plusieurs arrivent à une
réelle habileté. Mais ils ne sont, bien entendu, qu’une infime minorité.
Les dettes fournissent l’occasion la plus fréquente de voler. Tout Mossi
doit être débiteur et créancier à la fois, et quand il a emprunté, Dieu seul
sait quand il rend. Quand quelqu’un a une dette envers lui, il emprunte en
disant: «Un tel me doit tant, quand il m’aura rendu, je te paierai», et il trouve
toujours quelqu’un pour lui prêter. Peut-on refuser un service à un ami? Pour
se faire payer, il faudra faire démarches sur démarches, et bien heureux sera-
t-on quand on pourra rentrer dans ses fonds. Ce défaut est si invétéré chez
eux que les plus riches n’en sont pas exempts et, bien que pouvant rendre
facilement ce qu’ils ont emprunté, ils ne le rendent pas.
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Le Mossi est menteur, mais surtout il pratique la restriction mentale.
Interrogé, il excelle à poser lui-même une autre question pour voir si son
interlocuteur est réellement au courant des faits. S’il peut tromper, il trompera;
mais s’il voit qu’il y a avantage à avouer, il avouera, même si ses aveux
compromettent des complices; mais il faut alors qu’il soit bien sûr de s’en
tirer indemne.
Il n’est pas fourbe ni dissimulé, mais souvent ne dit pas la vérité par
crainte de déplaire à un plus puissant que lui. Il cherche qu’elle est la réponse
que désire son interlocuteur, et il faut se défier quand on veut obtenir un
renseignement précis. Il trompe encore en ne disant que la moitié de la vérité;
interrogé, il répondra parfois à la question posée, mais taira tel ou tel détail
qui modifierait la réponse ou mettrait sur la voie d’une autre question à faire.
Il est discret et sait garder un secret, surtout le secret du roi. Quand il
ne veut rien dire, il répond: «Je ne sais pas», ce n’est pas compromettant et
cela coupe court à toute question indiscrète.
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Anthropos X—XI. 1915—1916.