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P. J. Blais, C. S. Sp., "
Les anciens esclaves à Zanzibar.
Par le P. J. Blais, C. S. Sp., Kombe B. East Africa.
Parmi les personnes qui s’intéressent aux questions africaines, et en
particulier à la question de l’esclavage, nulle n’ignore les noms de Bagamoyo
et de Zanzibar. Bagamoyo, ce port arabe de l’Océan Indien, bien déchu de
nos jours, où naguère s’entassaient par milliers les esclaves, fruits des expé
ditions dans l’intérieur des trafiquants arabes et de leurs dévoués auxiliaires,
les Waswahili. Dévorés par la faim, minés par la fièvre, accablés de coups,
les malheureux attendaient dans cette ville que leurs maîtres veuillent bien
décider de leur sort. Beaucoup ne pouvaient résister à de telles souffrances
et finissaient là leur triste existence 1 , quelques-uns étaient vendus sur place,
et la plupart, embarqués sur des boutres 1 2 , étaient expédiés à Zanzibar, le
grand marché d’esclaves de la côte orientale d’Afrique. Là, vendu comme un
vil bétail (qui n’a lu le récit de cet honteux trafic!), l’esclave devenait la
chose de son nouveau maître, qui avait sur lui droit de vie et de mort, et
Dieu seul sait combien les maîtres arabes ont usé de ce droit.
Mais les temps ont changé; Bagamoyo, privée de son infâme commerce
par le gouvernement allemand, a perdu beaucoup de son antique grandeur.
Le Sultan de Zanzibar, forcé par l’Angleterre, a dû, lui aussi, abolir l’esclavage
dans ses états, il y a de cela déjà plus de quatorze ans. Les lecteurs qu’inté
resse la question de l’esclavage, aimeront peut-être à savoir ce que sont devenus,
ce que font tous ces anciens esclaves. Répondre à ces deux questions fera
le sujet de notre étude. Mais comme en toutes choses il faut savoir se borner,
«qui ne sut se borner ne sut jamais écrire» a dit le poète, je n’irai pas
étudier ce que sont devenus les esclaves expédiés de Zanzibar pour Mascate,
les Comores, ni même la côte africaine. Non, je me bornerai aux seuls esclaves
demeurés dans le Sultanat de Zanzibar, ces derniers d’ailleurs forment la
grande majorité des esclaves, vendus autrefois sur le marché de la capitale 3 4 .
Cela me permettra de donner en même temps un court aperçu des productions
des îles de Zanzibar et Pemba, seules possessions actuelles du Sultan, à part
de nombreuses petites îles très peu ou pas du tout habitées.
1° Ce que sont devenus les anciens esclaves.
Libérés, les esclaves de l’Etat de Zanzibar ne pouvaient quitter les pos
sessions du Sultan, , car, d’abord il leur eût fallu une permission du gouverne
ment, ensuite, faute de ressources. Mais ils pouvaient soit demeurer sur la
propriété de leur ancien maître, soit chercher fortune ailleurs. Ce à quoi
beaucoup se résolurent, car se souvenant des multiples coups de kiboko *
1 Grâce à la mission catholique établie à Bagamoyo dès 1868, beaucoup d’entre eux
eurent le bonheur de recevoir le baptême avant de mourir.
3 Petits voiliers.
3 Le Sultanat de Zanzibar a pour capitale Zanzibar, immense ville cosmopolite, placée
dans l’île de même nom.
4 Lanière de peau d’hippopotame dont on se sert pour donner la bastonnade.