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P. Tatevin, C. Sp. S.,
ont travaillé à perfectionner le teyupawa. Ils l’ont fait plus grand et plus
commode. Plus grand d’abord en l’allongeant encore, en mettant la cuisine
au-dehors sous un tapiri spécial, et en l’élargissant d’une véranda à toit
surbaissé sur l’un des côtés. Plus grand encore et plus commode en la dotant
d’un grenier formé en plafonnant une partie du teyupawa. Plus commode
aussi, en fermant de tous côtés une des extrémités du teyupawa , avec une
seule grande baie ouverte dans la paroi intérieure, et formant ainsi une chambre
close. Cette paroi est formée de planches dites paèiuba , obtenues en fendant
en six les troncs de palmier dans le sens de la longueur. Elle protège contre
les regards indiscrets les secrets qu’abrite le sanctuaire familiale, et la pluie
d’orage ne peut plus pénétrer par les côtés dans la cabane, et réveiller ainsi
malencontreusement les pauvres gens, fatigués d’avoir porté le poids du jour.
C’est cette maison, la maison idéale du cabocle, ayant chambre, grenier, vé
randa, cuisine sans compter la partie ouverte, la plus importante que nous
allons étudier en détail.
C’est dans la partie ouverte comprise entre six, huit ou dix poteaux que
l’on travaille, les jours où l’on ne sort pas à la pêche ou à la forêt; c’est là
que l’on reçoit les visiteurs; c’est là que l’on se repose au retour du travail
pendant le jour. Un hamac y est suspendu en permanence. Quand il y a
quelqu’un à la maison, on peut dire qu’il n’est presque jamais inoccupé. La
caboclesse a appris à coudre en s’y balançant; l’homme s’y étend, lorsqu’il
est ou qu’il se croit fatigué. Sur l’un des côtés il y a un banc formé d’un
gros madrier raboté à coups de hache. Quand le visiteur arrive, on lui offre
le hamac, s’il est de condition supérieure; s’il mérite une distinction spéciale,
on va même lui chercher un hamac plus propre et moins commun que celui
qui sert à tout le monde; s’il est de condition égale ou inférieure, on lui
indique le banc, le maître de la maison le reçoit étendu dans son hamac dont
il se lève à peine pour lui serrer la main. Il est rare que le banc fasse dé
faut mais enfin cela arrive, et alors un escabeau, ou une caisse européenne, en
tient lieu.
Avec le banc et le hamac, quelques-uns possèdent une méchante table.
Mais c’est déjà un luxe assez rare. Le principal usage de cette table est de
servir pour les repas, quand il y a des invités. En général, le cabocle préfère
manger à terre, accroupi sur ses talons ou assis sur une natte, tantôt dans la
partie ouverte de la maison, plus souvent à la cuisine ou sur le terre-plein
qu’il a devant sa maison. Quand la table sert au repas, le cabocle est heureux
d’exhiber sa vaisselle, mais les jours ordinaires il se contente aisément de
manger avec sa famille dans le même plat en terre cuite, si l’on mange du
poisson, et dans l’écaille de tortue, si c’est de la tortue qu’on mange. Dans
ce cas, sans répugnance aucune le cabocle traite le plat commun comme si
c’était le sien propre. Sur le bord qui est en face de lui, il met un peu de
farine de manioc dans la sauce pimentée et la pétrit de ses doigts avec un
morceau de poisson ou de tortue, puis porte à la bouche la boulette ainsi
préparée. On en est quitte pour se laver les mains après le repas, dans une
calebasse présentée au père et quelquefois à la mère par l’un des enfants de
la famille.