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P. J. Alves Correia, C. S. Sp.
Un totem Nigérien.
Les tortues, parentes des peuples Ibos.
P. J. Alves Correia, C. S. Sp.
11 y a bien des bêtes comme j’ai déjà eu l’occasion de montrer au lecteur,
qui jouissent du privilège d’attendrir les bons cœurs ibos de la Nigéria
(«Anthropos» XVI—XVII, p. 360). D’autres hommes, et même d’autres Ibos,
ne réussissent pas au même degré à attirer la compassion de ces cœurs en
fantins, mélanges déconcertants de naïveté et de coquinerie! C’est bien au
même endroit où j’ai entendu les vieilles mères noires avertir les petits poissons
du Nengo de fuire l’assassin (... c’était mois) et d’aller se cacher dans les plis
les plus mystérieux de la divine rivière, c’est dans ce même Nie je que je
voyais, par contre, mes élèves très amusés de la moue que je faisais, en les
entendant parler de banquets pantagruéliques de chair humaine:
— Qu’est-ce que tu as a redire? C’est bon, la chair d’homme.
— Quelle horreur! La chair de son frère!
v — Mais non! Nous ne mangeons jamais la chair d’un N te je : c'est des
étrangers que l’on mange; ce n’est pas des frères.
Variétés de tabous nigériens.
Cependant, de ne- pas manger de tel ou tel animal n’est pas toujours
signe d’attendrissement ou d’amour. Si le Nteje, dévot fanatique et corrumpu,
non seulement respecte superstitieusement les poissonets de sa rivière-fétiche,
mais veut encore obliger les autres, avec un fanatisme farouche, à respecter
ces mêmes poissons, il y a d’autres familles dans la tribu qui, tout en se
privant de pêcher les «fils» de leurs rivières divines, ne s’inquiètent pas de
voir les mécréants s’exposer à la colère de l’eau maîtresse et mère. L’Olasi
est un cours d’eau aussi divin pour les Ukpo que le Nengo l’est pour les
Nteje; il a autant de temples sur ses bords, où l’on va lui offrir les prémices
des marchandises que l’on porte au marché et se frotter les yeux avec la
craie consacrée, qui donne de la chance au nom de Dieu : et pourtant les
Ukpo, s’ils voient des étrangers pêcher à la ligne dans les eaux sacrées de
Olasi, s’étonnent, s’amusent même de ce toupet stupéfiant, et passent outre,
laissant au fétiche de défendre ses fils et ses droits, s’il le veut... A Nri,
une espèce de ville sainte, Rome ou La Mècque des Ibos, où moins la bonne
moitié des bêtes sauvages est tabou, j’ai vu des indigènes faire des cadeaux
à un chasseur européen pour avoir tué des singes, voleurs de maïs, lesquels,
cependant, l’indigène était tenu de respecter, probablement parce que propriété
de la Forêt personifiée et divine...
Rappelons que les dieux révérés par l’Ibo ne sont pas précisément des
bien-aimés: ce sont d’ordinaire des esprits méchants, que l’on propitie, que
l’on veut détourner de nuire. On comprend ainsi qu’il y ait pas mal de choses
tabous, défendues, sacrées (nsà ana) qui ne le sont pas pour un motif d’amour,
ou de respect filial, envers le génie possesseur.
La plupart des tabous nigériens ont simplement ce caractère de «n’y
touchez pas»: souvent parce que propriétés supposées d’un genie quelconque