190 Berichte und Kommentare Anthropos 92.1997 (bière de mil), on leur faisait une coupure à chacun pour qu’un peu de sang coule et on en laissait tomber quelques gouttes dans le dolo. Chaque adulte présent devait boire une gorgée de cette mixture. Si l’un refusait, il se dénonçait. Il devait cesser immédiatement ses manigances sous peine d’être condamné à mort par les lekobe. Si, à la suite des héritages, trop de haines et de disputes s’étaient accumulées dans une famille, le prêtre du culte aux lekobe pouvait décider de la séparer en deux branches, chacune pratiquant désormais à part son propre culte aux ancêtres. A l’heure actuelle la tendance serait plutôt au regroupement qu’à la dispersion. Il arrive aussi que des familles d’origine étrangère s’unissent pour vénérer ensemble les mêmes lekobe. On en rencontre des cas dans l’histoire des Toussian. Le prêtre des lekobe familiaux est le chef de famille: en principe l’aîné. S’il y a sacrifice aux ancêtres, c’est lui qui préside, mais c’est son fils qui égorge la bête sacrifiée. Quelqu’un peut voler un héritage; personne n’osera jamais usurper la prêtrise des lekobe ! Quant aux lekobe de la famille conjugale, ils se trouvent dans le vestibule de la maison ou à l’extérieur. Il y a parfois une petite butte, ou to, qui symbolise le père, et une autre la mère. Ils sont vénérés par leurs enfants. La femme enceinte ne prie pas les lekobe pour obtenir un accouchement facile ou un bel enfant, mais ses génies. 17 Tous les deux ans, à l’époque du Do, toute la famille se réunit en l’honneur de ses lekobe, on sacrifie des poulets, on offre du dolo. A la même époque le chef de terre prend d’office un poulet par cultivateur pour les immoler sur ses propres lekobe, qui sont un peu ceux de tout le village, puisqu’ils appartiennent à la famille du premier occupant. Sacrifier aux lekobe pour obtenir quelque chose est un acte très grave qu’on n’accomplit pas pour des raisons futiles. Par exemple, un sacrifice pourra être fait pour qu’une jeune femme reste chez son mari coutumier et l’on dira: “qu’elle meure ... !” ou “que sa famille meure si elle ne reste pas chez son fiancé coutumier!”. Les mânes des ancêtres sont respectées, mais plutôt craintes qu’aimées. Il faut se méfier de leur puissance occulte, bonne ou mauvaise. Si on entretient pieusement le culte des morts, ceux-ci assurent la prospérité matérielle des vivants, mais en cas de négligence ils peuvent se venger en envoyant malchance et maladie. Conclusion Nous n’avons parlé ici que de la croyance des Toussian dans la reviviscence. D’autres, tels les Tiefo, la partage. Ainsi le chant tiefo à la gloire d’Amoro, leur grand chef malheureux qui s’est suicidé pour ne pas tomber vivant entre les mains de Samori en août 1897, dit: “Un Tiefo n’entre pas à Kong”, car ils croient que les hommes de Kong renaissent à Noumoudara et ceux de Noumoudara à Kong, or le mort et le vivant ne doivent jamais se rencontrer. Dans d’autres ethnies cette croyance est limitée à certains cas de personnes n’ayant pas achevé leur cycle de vie normal. D’autres enfin ne la partagent pas. Références citées Gravrand, Henri 1961 Visage africain de l’Eglise: Une expérience au Sénégal. Paris: Editions de l’Orante. Griaule, Marcel et Germaine Dieterlen 1942 La mort chez les Kouroumba. Journal de la Société des Africanistes 12: 9-24. Guilhelm, M. et Jean Hébert 1964 Une “noblesse” héréditaire en pays toussian: les devins. Notes Africaines 104: 97-106. 1965 Note additive sur “Les devins en Pays toussian”. Notes Africaines 107: 92-95. Hébert, Jean et M. Guilhelm 1967 Notion et culte de Dieu chez les Toussian. Anthropos 62: 139-164. Henry, Jos. 1910 L’âme d’un peuple africain: les Bambara. Leur vie psychique, éthique, sociale, religieuse. Münster: Aschendorffsche Verlagsbuchhandlung. (Bibliothèque Anthropos, Collection Internationale de Monographies Ethnologiques, 1/2) Tempels, Placide 1949 La philosophie bantoue. Paris: Présence Africaine. 17 On peut donc en déduire que, comme dans les ethnies voisines, les génies jouent un rôle d’intermédiaire essentiel entre les ancêtres et les femmes chez qui ils vont revenir. Malheureusement le Père Hébert n’a pu préciser ce point, [note de M. Dacher]