A l’unisson des tambours
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^nthropos 99.2004
Carte: Zone de peuplement ap
proximative des chasseurs de
têtes wa.
balement, les sources écrites ne mentionnent plus
de chasse aux têtes parmi les Wa installés en terri
toire chinois au delà de 1958 et les sources orales
au delà de 1965, c’est-à-dire l’année précédent
la révolution culturelle et l’intrusion des gardes
touges dans la région. 6
L’interdiction stricte de poursuivre la chasse
aux têtes imposée par les autorités chinoises était
a vrai dire le point d’orgue d’un déclin progressif
de l’activité amorcé au cours du XIXe siècle et
dont témoigne notamment James George Scott, le
Premier Britannique à avoir pénétré en 1893 dans
los Etats Wa à la tête d’une colonne de la police
birmane. La pression croissante des voisins shan,
birmans, lahu et de colons chinois attirés sur place
6 Winnington (1959; 161) mentionne le cas d’un jeune
homme de Lancang qui, pour relever un défi lancé lors
d’une beuverie, coupa en 1957 la tête d’une personne d’un
autre village. La même année, à Ximeng, les membres d’un
village achetèrent une jeune esclave qu’ils décapitèrent afin
de satisfaire aux rite de propitiation des nouvelles récoltes
{Minzu Wenti ... 1983/1: 128-130). Notons au passage que
sacrifice d’esclaves a également été attesté chez les
Naga de l’Assam (cf. Fürer-Haimendorf 1939: 112). Enfin
Torogoe (1996: 62) mentionne une chasse aux têtes qui se
serait déroulée en 1958 à Menglian et dont les auteurs furent
Punis par les autorités chinoises. Nos sources orales tiennent
au témoignage de Wa de Lancang.
par l’extraction du minerai d’argent explique en
partie le processus, tout comme l’affermissement
de l’ordre colonial en Birmanie et les progrès de la
pacification des marges par les autorités impériales
en Chine.
Les gardes rouges interdirent la chasse aux
têtes, mais aussi la plupart des activités religieuses
dans le cadre de la lutte conduite par le régime
communiste contre les superstitions (mixin). Les
tambours monoxyles furent détruits dans les vil
lages et ceux qui ne tenaient pas compte des in
terdits en procédant à des sacrifices de porcs ou
de buffles se voyaient infligés de lourdes amendes.
Si, de 1966 à 1978, certains rites furent poursuivis,
ce fut en toute clandestinité et dans des endroits
isolés. Bien qu’après 1978 les activités religieuses
des minorités aient été de nouveau tolérées, près
de 25 ans après cette relative ouverture, la peur
de la répression reste très ancrée chez les Wa.
Les villages et la plupart des maisons ont certes
retrouvé leurs génies tutélaires auxquels on fait des
offrandes, les rites agraires et du cycle de vie ont
repris, mais sous une forme simplifiée et les sacri
fices de buffles ou de bœufs sont devenus rares.
Quant aux grandes cérémonies qui impliquaient la
percussion de troncs évidés elles n’ont plus cours
autrement que sous la forme de prestations folk
loriques rémunérées, afin de distraire les touristes