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Full Text: Anthropos, 89.1994,1/3

Les chevaux de la conversation, le miel de la tradition et l’or des paroles 
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Anthropos 89.1994 
délicat. On s’approche pas à pas d’un problème 
épineux: “Cette fois la barque a atteint la rive. Il 
est indispensable maintenant de ‘prendre le taureau 
par les cornes’ ... en tout cas, il faut voir cette 
affaire ‘dans une calebasse’.” 28 
C’est en ces termes que commence le discours 
du polygame qui veut ramener une de ses femmes 
à son beau-père parce qu’elle est stérile. Le beau- 
père, connaisseur des règles de la bienséance, lui 
réplique dans le même style: “ ‘Il n’y a pas de fu 
mée sans feu.’ Je suis persuadé qu’il y a ‘anguille 
sous roche’. De mon côté j’irai voir un sorcier à 
deux lieues d’ici. Ne désespère pas. ‘Il n’y pas de 
problème sans solution’. 29 ‘Il n’y a pas d’effet sans 
cause’” (Coulibaly 1991: 12). 
Certains des proverbes cités plus haut présen 
tent également d’autres fonctions à côté de la 
fonction socio-psychologique: “Thiama, vous sa 
vez bien que la vieille habitude de la fourmi est 
de piquer” (Sowié 1983: 47); “Oui, tu sais Kito, 
un proverbe de chez nous dit ‘Celui qui a besoin 
du vin de palme accroche la gourde au palmier’ ” 
(Thiombiano 1974: 1); “Evidemment nul n’ignore 
que quand on sème c’est en vue de récolter” (3). 
Et on a même recours à un proverbe, pour 
réparer une impolitesse commise, comme si on 
cherchait dans la mémoire collective de la tradition 
un précédent qui pourrait servir d’excuse: pour 
justifier que le jeune, fils du chef, ait osé convo 
quer une réunion des notables, l’un d’entre eux a 
recours à l’autorité du proverbe pour sauvegarder 
les bienséances: “Les anciens ont dit aussi: ‘Quel 
quefois les jeunes gens peuvent jouer pour faire 
danser les vieilles personnes’ ” (Koné 1974: 59), 
c’est ce que Amadou Koné appelle “la sagesse de 
la tradition qui est signe de maturité” (lettre privée 
du 26/12/76). Un autre exemple de cette fonction, 
pour s’excuser d’une impolitesse: “... puisque le 
vin est tiré, il faut le boire” (Konaté 1988: 25); 
pour ce proverbe français, cf. Doumon 1986: 343. 
4. 
Le quatrième groupe est caractérisé par la fonc 
tion thérapeutique. De la même façon que, dans 
une discussion, il arrive que l’argumentation per 
sonnelle devienne insuffisante, et qu’on se sente 
obligé de faire appel à l’autorité et à la sagesse 
traditionnelle de la collectivité, ici, dans les ex 
périences nouvelles et douloureuses, on a recours 
28 = bien étudier la situation, la citation se trouve dans Cou 
libaly 1991: 12. 
29 Cf. “Yelkay n’katimhé” (Bougma 1987: 13). 
au trésor d’expériences collectives pour y chercher 
un ersatz d’expérience personnelle sous forme de 
proverbe. Ce proverbe a un effet rassurant pour 
nos personnages, ils ne se sentent plus menacés 
par le nouveau, l’inhabituel qui les isolait, mais 
ils se sentent reliés avec le groupe, donc rassurés, 
le proverbe attestant que le groupe a déjà fait 
ce genre d’expériences. Retrouver une situation 
conflictuelle réglée dans la tradition collective lui 
ôte son aspect menaçant et troublant. Dans ce con 
texte les proverbes peuvent donc avoir une fonc 
tion thérapeutique, les consulter tient lieu d’une 
visite chez le psychiatre. Dans notre corpus on 
trouve une dizaine de proverbes utilisés dans cette 
fonction, nous en avons déjà rencontré un dans la 
scène des deux coépouses qui attendent l’arrivée 
de la troisième (Coulibaly 1991: 4), où il sert de 
régulateur de tensions affectives et sociales. 
“Un de perdu, dix de trouvés”, dit-on, pour la 
consoler (Atelier Théâtre Burkinabè 1988d: 40), 
à une fille abandonnée par celui qui l’a rendue 
enceinte. Mais ce proverbe a dans ce cas une 
double fonction: parallèlement il annonce la suite 
de la pièce: la fille séduite finira par devenir fille 
publique. Le proverbe à côté de sa fonction théra 
peutique remplit une fonction dramaturgique, donc 
esthétique. 
Des expériences nouvelles sont intégrées dans 
les expériences vécues de la collectivité afin de 
leur enlever ce qu’elles peuvent avoir d’inquiétant 
et d’alarmant: Lorsqu’une révolte s’annonce qui 
fera tomber le dictateur sous lequel ils avaient 
vieilli, les vieux commentent: “Petit vent abat 
grand arbre, dit un adage de chez nous” (Palen- 
fo 1970: 12). 30 L’expérience, le fait d’avoir sur 
monté un danger, même si ce n’est que dans la 
tradition orale, écarte la peur, l’angoisse que nos 
personnages éprouvent devant l’inconnu: “Après 
tout, craint-on la pluie une fois mouillé”? (Palenfo 
s. d.: 2). 
5. 
Dans le cinquième groupe j’ai réuni des proverbes 
de fonctions diverses utilisés dans le discours po 
litique, ce qui permet de souligner davantage leur 
contexte. Comme leurs équivalents dans la réalité, 
les hommes politiques dans nos pièces ont égale- 
30 D’autres exemples de proverbes dans cette fonction se 
trouvent dans Palenfo (s. d.: 2), T. P. Sawadogo (1982: 6), 
Zonhié (1984: 2), Coulibaly (1991: 5) et Hama (19877?: 5): 
“Il est vrai que quand le chat n’est pas là, les souris dansent” 
(cf. Doumon 1986: 72 et Loubens 1889: 298).
	        
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