Un totem Nigérien.
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fanatiques, sectairiennement fétichistes, comme sont les Ibos igarisants, tou
jours prêts à venger leurs fétiches méprisables. Mais il y a d’autres choses,
des animaux généralement, que même les Ibos purs, qui sont sensés, sobres
et tolérants (Adas, Abajas, Owélés), sont portés eux-mêmes à défendre contre
les injures même d’étrangers. C’est le cas du boa en beaucoup d’aggloméra
tions aussi bien Isaras qu 'Abajas, c’est le cas de la tortue partout où vit
une population Ibo.
A Nri, là où les paysans remerciaient les chasseurs européens de leur tuer
le singe, sacré et voleur, tous les anciens venaient en députation à l’école
catholique, représenter contre les nouveaux chrétiens, fiers cte leur indépen
dance et de leur liberté, qui faisaient rager leurs bons parents en tuant et en
mangeant du crocodile et du boa: donc, singe tabou haï; boa tabou d’un
autre genre, que l’on chérit, et défend.
A Adazi, les gens de la ville apprirent que nos catéchistes avaient fait
un festin aux dépens d’une pauvre chèvre offerte à Agu, génie de la brousse,
et qui avait dans le domaine de son nouveau maître: et les gens de la ville
ont ri de cette espièglerie, d’un mécréant sans préjugés, contre une idole
qu’eux redoutaient. Peu de temps après, ces mêmes païens tolérants et bons
garçons sont venus à apprendre que le catéchiste avait pris une tortue. Ils
-l’ont forcé à la lâcher et m’ont averti que l’école serait fermée, abandonnée
de tous les enfants du pays, si l’instituteur ne respectait pas à l’avenir ce
qui était comme les enfants du peuple.
A Ukpo, la population s’est levée un jour comme un seul homme en
face d’un attentat de même genre perpétré par un agent de police. Mon gen
darme avait été tenté par la proie facile d’un solitaire chélonien promenant
sa carapace sans aucune sorte de souci. Le police le prend, le cache dans
son sac de voyage et arrive chez le chef Obinabo. La tortue s’était jusque
là tenue muette et coite; mais c’est un animal très malin (commentaient les
indigènes): en se sentant chez le chef, au milieu de cœurs sympathiques, elle
poussa un petit piaulement du fond de son bissac. Le police, interdit, ne sait'
que devenir. Obinabo, le chef, qui ne veut pas- de question avec les agents
du gouvernement, prend l’agent à part, le prie de lâcher le reptile, pour qu’il
n’y ait pas de trouble dans le village, et lui donne, pour remplacer la pièce
de venaison, un excellent jambon de chèvre. ... Autrement le peuple serait
intervenu, comme s’il s’agissait de sauver la vie d’un frère fait prisonnier.
Caractère de la tortue, type du caractère national.
Dans toutes les histoires où figure Mbéku, nom indigène de Madame Tortue
(c’est-à-dire, dans presque tous les contes du folk lore indigène), ce caractère
de ruse fine est toujours mis en lumière de la façon la plus pittoresque.
Un jour Mbéku dit à Enyi (c’est-à-dire, à l’éléphant):
— Les bêtes prétendent que vous êtes trop lourd et ne pouvez pas aller
jusqu’en ville.
— Les animaux sont fous, dit l’éléphant. Je ne vais pas en ville parce
que j’aime d’avantage la foret; aussi, je ne connais pas le chemin pour aller
en ville. y '
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