La vie des pionniers chinois en Mongolie aux prises avec un sol ingrat. 297
Il faut encore l’huile pour graisser les chars: une petite bouteille car
tonnée pend au brancard, et à chaque kilomètre ou à chaque lieue de distance,
il faut frotter un peu de graisse ou d’huile aux roues, kao-i-kao. A tout bout
de champ on entend cette injonction: le kenn-tch’eu-te prend alors dans la
bouteille le bâton garni d’étoupe qui y plonge et frotte soigneusement. Comptez
encore l’usure des sacs qui renferment les grains, des planches qui tapissent
le char et parfois des claies qui y sont superposées, etc. Tout cela est diffi
cile à estimer, mais c’est peu de compter à cet effet 10 à 20 taels par an.
Naturellement, quand ils s’en vont en voyage il y a aussi le viatique
(p’an-tcKan) de vos hommes; en réalité c’est peu de chose par jour, on peut
le compter parmi les frais de chaque jour. Ils emportent la nourriture.
En regard de tout cela, tâchons de mettre les dépenses pour un petit char,
ou une série de petits chars employés au transport. Nous supposons une cara
vane de 4 ou 5 charrettes à cheval ou à bœuf, pour remplacer le grand char, par
exemple pour transporter des grains au marché ou pour ramener du charbon.
Deux hommes suffisent à leur conduite, dit-on. C’est un peu théorique:
ils peuvent suffire, et les Mongols savent conduire ainsi de multiples char
rettes avec un personnel très restreint; mais généralement les Chinois n’aiment
pas de le faire et tâcheront d’esquiver cette besogne et cette responsabilité.
Quand ils travaillent à leur propre compte c’est autre chose.
Le prix d’achat des bêtes est le même ou est moindre parfois, parce
qu’on peut y utiliser chevaux et vaches ordinaires et qu’on possède habituelle
ment. Les petites charrettes ne coûtent presque rien, on en achète pour
3 ligatures; mais il faut noter que si elles doivent aller en pays de montagnes
ou porter de lourdes charges, c’est autre chose que de se traîner doucement
par la steppe, et vos hommes conscients des difficultés de ces trajets loin
tains, insisteront pour avoir des voitures bien plus coûteuses.
Enfin rappelons qu’en ces voyages on se charge ordinairement de divers
ustensiles de ménage, parce qu’un charretier qui veut bien faire, chemine
beaucoup la nuit et n’aime pas trop dépendre des auberges: il quitte le
campement ou l’hôtellerie parfois dès minuit, afin de pouvoir se reposer et
faire reposer et paître ses animaux dès les fortes chaleurs du jour.
Pour finir par un dernier exemple concret, les petits achats suivants
serviront encore à démontrer l’extrême bon marché de ces petites charrettes.
En octobre 1907 à Cheu-dzou-ze, acheté un petit char à 2 ligatures. — En
juillet 1908 à Ho-t’ou-wa passe une* caravane qui vend différentes pièces de
bois servant à la construction de maisons, chars et instruments agricoles. J’y
achète deux charrettes pour L3 tan d’avoine, soit environ 3 lig. de Kalgan
par char (avoine estimée à 8 paze le teou 8X32sapèques de Kalgan) et en
outre 3 tch’eu-tchéou (essieux), qu’on trouve toujours à employer parce qu’ils
cassent si vite.
La vie du fermier se passe à ces calculs et combinaisons et on com
prend que ses grains (et ses gains) «ne marchent pas vite et loin», comme
disent les Chinois. Et la fortune arrivera encore plus lentement...
(A suivre )